Mon intervention faite en 2011, à Arbois, en hommage au peintre.
« Je connaissais André depuis longtemps, tout au moins nous avions eu l’occasion à Arbois de nous voir et nous rencontrer, à la MJC notamment. Où il animait un atelier de création d’affiches. Mais nos relations n’avaient pas été plus loin. Tout concentré que j’étais à cette époque sur mes premiers travaux universitaires.
C’est au moment du travail sur La Pique et le bonnet que nous nous sommes rapprochés et découverts. Il faut rappeler que ce projet avait été initié par la Fédération des MJC, qui devait être d’ailleurs l’éditeur de l’ouvrage ; un projet conçu au moment de la célébration du bicentenaire de la Révolution.
Nous avons naturellement travaillé en étroite collaboration. Moi-même suggérant les séquences, proposant quelques textes. Lui-même réagissant à ces propositions. Certains textes ont été écrits d’après les images d’André. Nous nous rencontrions alors souvent. André était précis, il me demandait des détails sur tel personnage, telle situation, tel costume. Comme toujours avant de se lancer dans l’aventure du dessin et la peinture, il se préparait avec avidité et passion à la connaissance du sujet et du thème qu’il traitait. Chez lui, il y a toujours eu cette étape de l’information, où il s’imprégnait de son sujet. Ce qui provoquait entre nous de passionnantes conversations. Il me téléphonait également souvent pour préciser un détail. Un jour, sur le coup des minuit, il me téléphone pour dire : « Dis moi donc, comment étaient les uniformes des Prussiens à Valmy ? » Il me forçait dans mes retranchements. Il avait pour ce travail d’illustration mis au point un système original où il travaillait sur une table lumineuse.
Tout cela débouchait sur des conversations passionnantes sur la peinture, l’histoire, son village, sa vision des choses et des hommes... Chez lui, à Myon, après une séance travail, il me disait son amour des chevaux, sa passion pour Courbet, dont il célébrait « l’amour du pays » ; il avait une grande admiration également pour des peintres comme André Roz.. . Il y avait chez lui cette qualité rare de hisser au plus haut l’interlocuteur avec lequel il s’entretenait.
A cette même époque, il avait été l’invité d’honneur par Pierre Bichet au salon des Annonciades, à Pontarlier, ce qui avait été l’occasion pour tous ses amis de se retrouver pour un pique-nique sympathique sur la pelouse de la propriété de Pierre Bichet. Attaché aux traditions sans être passéiste, André me confiait que s’il n’avait pas été peintre, il aurait aimé être historien. Et moi inversement je lui confiais que si je n’avais pas été historien, j’aurais aimé être peintre ! Curieux de l’histoire des hommes, il était particulièrement intéressé par l’histoire de la vie quotidienne et l’histoire des objets. Et sur ce plan nous étions en parfaite communion. Au point qu’après l’épisode de la Pique et le bonnet, il m’avait proposé de travailler ensemble à une vie quotidienne au village.
Nous avons eu également l’occasion dans les mois qui suivent l’aventure de La Pique et le bonnet de fonctionner en duo pour différentes conférences et expositions, sur la présentation du livre, sur le colportage, sur la guerre de Dix-Ans... J’ai eu l’immense privilège et le grand bonheur de parler de cette période sombre de notre histoire régionale devant la grande et puissante œuvre qu’il avait composée : un triptyque sur le siège de Dole de 1636. Une œuvre qui illustrait magnifiquement mes propos. Cette toile magnifique, pleine de force, derrière les formes et les couleurs, qui la composent, témoigne de l’information et du travail de recherche auquel l’artiste s’était livré avant de prendre les pinceaux. André ne s’attaquait jamais à un sujet ou à un thème qu’il allait mettre en images sans une information précise et une longue réflexion préalable. J’avais eu par exemple de nombreuses conversations avec lui, sur un thème riche et qui lui tenait particulièrement à cœur : la porte et les portails.
Peu de temps avant sa disparition, au téléphone, je lui proposais au nom des bibliophiles comtois d’illustrer un des romans de Clavel, que cette association avait choisi pour une belle édition. Il m’avait dit. « Je vais mieux, oui, ça me fait plaisir, ça va me relancer... ». Huit jours plus tard, en Bretagne, j’apprenais que l’ami, le peintre nous avait quitté.
La Pique et le Bonnet
La pique coiffée du bonnet de la liberté, dans la symbolique révolutionnaire, signifie que la liberté se conquiert et qu'une fois conquise, celle-ci doit être défendue. L'image et l'idée représentent admirablement toute l'histoire de la période révolutionnaire, d'où le choix de ce titre. Nous avons voulu faire de la pique et du bonnet un plaisir pour les yeux et l'esprit, une fête et une réflexion.
Ce livre a été pour l'un le peintre et pour l'autre l'historien une aventure et la découverte d'une très heureuse complicité.