C’est en Chine que le papier comme support de l’écriture est connu depuis le IIe siècle avant notre ère comme substitut à « la soie, trop chère » et aux « planchettes de bambou, trop lourdes ». Quatre siècles plus tard, un certain Cai Lun a amélioré, semble-t-il, les techniques de fabrication du papier. Ce papier était fabriqué à partir de vieux chiffons et de vieilles cordes.
Parti de la Chine, inventé un siècle ou deux avant notre ère, le papier entame sa marche triomphale vers l’ouest grâce aux Arabes. Cela beaucoup plus tard, au milieu du VIIIe siècle. Il gagne ensuite l’Europe par l’Espagne et l’Italie vers les XI-XIIe siècles et s’y impose progressivement. Le premier moulin à papier est installé en Italie à Fabriano en 1250 ; en France, il faut attendre le milieu du XIVe siècle pour voir apparaître les premiers moulins (à Troyes, à Essonnes).
L’invention de l’imprimerie vers 1450 par Gutenberg a accéléré le passage du parchemin au papier. En effet, devant la production croissante des livres, les peaux de mouton ou de veau devinrent très vite insuffisantes, il fallut donc utiliser le nouveau support, ce papier dont il était possible d’accroître aisément la production.
Ensuite, dans le sillage de l’expansion européenne, le papier gagnera toute la planète pour aboutir à sa formidable présence contemporaine.
Pourquoi ce triomphe ?
Le papier présentait des avantages indéniables : légèreté, beauté, maniabilité et à ces grandes qualités il offrait également une production relativement aisée... Sur tous les autres supports utilisés, il offrait ses avantages ; ceux-ci étaient soit trop lourds et trop rigides, telles les écailles de tortue, les stèles de pierre, les tablettes d’argile, soit trop coûteux comme le papyrus ou le parchemin. En tout cas, le papier, lui, assurait le triomphe incomparable de la minceur et de la souplesse.
Évolution de la fabrication
Du XIIIe siècle au XIXe siècle, « la fabrication à la cuve » c’est-à-dire la fabrication artisanale à partir du chiffon a peu évolué. La seule innovation vraiment remarquable a été l'utilisation de cylindres broyant les fibres à la place de maillets, innovation inaugurée par les papetiers hollandais dès la fin du XVIIe siècle, mais adoptée en France seulement à la fin du XVIIIe siècle.
Jusqu’au début du XIXe siècle, le papier est fabriqué à la main. Les feuilles sont produites une à une. Pendant près de deux millénaires, cette fabrication s’est faite ainsi, elle est restée artisanale.
Le passage à la fabrication industrielle est récent, il ne date que d’un siècle et demi. Il est dû à l’invention de la machine à papier, opérationnelle vers 1830. La machine accélérant la demande en pâte à papier, il a fallu se tourner vers une nouvelle matière première autre que celle du chiffon. Cette nouvelle matière première abondante fut précisément le bois. Pour obtenir la pâte à papier, le bois était râpé et les fibres obtenues blanchies au chlore. Sous la pression de la demande, on est alors passé, d’un part du papier de chiffon au papier de bois, d’autre part de la production feuille à feuille à la grande production en rouleaux.
Après 1850, l’industrie papetière est devenue une véritable industrie lourde, industrie qui représente 2,5% de la production industrielle mondiale ; elle se situe au même rang que l’aéronautique. Conséquence : on a quitté le temps du papier rare au temps du papier présent partout.
DÈS L’ORIGINE UNE UTILISATION DIVERSIFIÉE
Certes le papier a été magnifié grâce l'écriture. Dans la vision de la culture occidentale, l'invention de l'imprimerie l'a lié très étroitement à l'activité intellectuelle. De ce fait, il est considéré comme un matériau noble par excellence.
Mais, on ne saurait oublier que depuis son invention en Chine, datée par les fouilles archéologiques au IIe siècle avant notre ère, l’utilisation du papier ne s’est pas limitée aux activités nobles de la transmission des idées et des savoirs. Très tôt en effet son utilisation a été diversifiée.
En Chine dès le IXe siècle, le papier a été utilisé à des usages domestiques. Son premier usage à même été sans doute celui de papier d’emballage, ce n’est que dans un second temps que l’on aurait eu l’idée de s’en servir comme support de l’écriture. Au Xe siècle, en Égypte les commerçants du Caire emballent leurs produits dans du papier et cela au grand étonnement des voyageurs.
Aujourd’hui en France plus de la moitié de la production échappe à la fonction de support de l’écrit et de l’imprimé. 40% seulement de cette production est réservée à cette dernière destination. La plus grande partie de la production va donc à des usages autres que ceux de l’écriture.
Les usages du papier sont en effet extrêmement divers. Le papier crêpé est utilisé pour la fabrication du papier-toilette et de produits d'essuyage, le papier mousseline pour les serviettes de table, serviettes à démaquiller, le papier couché pour certains types de nappes et sets de table. On a fabriqué avec lui des meubles et des maisons.
« Du papier-cul » au papier de soie, du papier mâché au papier collé que d'usages, et quelle diversité ! En réalité, il existe un papier pour tous les aspect de la vie quotidienne.
Si on considère seulement le secteur destiné à l’impression, le noble matériau se décline en usages multiples depuis les cartons divers, les papiers pour prospectus, magazines, journaux, les fax, les photocopies, les sorties d'imprimantes, les papiers photos et bien d’autres encore...
Le résultat en est que la demande en papier n'a jamais été aussi forte. Sa consommation ne cesse de progresser.
Les utilisations nombreuses et variées du papier ne sont pas nouvelles dès l’origine le papier n’a pas été seulement le support de l’écriture. En Chine, il a servi semble-t-il d'abord d'emballage.
DU PAPIER À LA PAPERASSE
L'invasion du papier est récente, elle n'a pas plus d'un siècle et demi. Elle est liée à la production industrielle massive.
Le bureau est le lieu même où l’invasion a commencé. Cet espace tant dénoncé et si redouté du flot montant du papier. La dénonciation de la paperasse a été un thème classique à la fois de la littérature et de la politique. C'est au XVIe siècle qu'apparaît le terme péjoratif de « gratte-papier », appellation qui vient du fait que la plume d'oie accroche une surface d’écriture plus ou moins lisse.
Ainsi, la paperasserie administrative est raillée au XIXe siècle par quelques plumes célèbres. C’est le thème utilisé par Balzac dans les Employés (1837) et mieux avec plus de causticité encore par Courteline dans Messieurs les ronds-de-cuir de Courteline (1893).
Ce papier souvent nous encombre et nous nous en débarrassons trop souvent avec désinvolture. Cette présence encombrante est celle de prospectus, de sachets déchirés, de vieux emballages, de lambeaux d’affiches déchirées, de papiers de bonbons et de papiers gras, de tracts abandonnés qui jonchent le sol, de papier journal périmée poussé dans la rue par le vent... Les boites aux lettres regorgent et débordent de papiers publicitaires. La paperasse prend donc souvent la forme de détritus. Autant d’images, qui font oublier l’immatérielle blancheur de la belle page blanche prête au dessin ou à l’écriture. Au point que l’on oublie également que le papier et le papier-carton, sont des produits précieux et fragiles.
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En raison de la place qu’il tient dans notre société, un monde sans papier est aujourd’hui difficilement envisageable. D’autant que ce produit présente deux qualités qu’il convient de ne pas oublier :
- Le papier sait tout d’abord régulièrement s’adapter aux formes et aux besoins des nouvelles demandes, par exemple il fournit aujourd’hui « les consommables » des photocopieuses, des fax, des imprimantes... autant de nouvelles possibilités d’impression, qui ne sont pas réservées aux seuls professionnels, mais offertes aux particuliers.
- Ensuite, une autre de ses qualités est d’être recyclable. Il s'agit là d'une qualité majeure dans un monde de plus en plus soucieux d'environnement.