Dans la culture populaire le cabaret est un lieu de rencontres et d'échanges. On y boit, on y cause, on joue, on danse... Depuis l'existence du suffrage universel en 1848 on y discute politique entre hommes. Le café est un lieu de convivialité qui était très apprécié, notamment à la campagne. Ce lieu échappait au contrôle du curé, de tout temps, celui-ci a dénoncé ce lieu qui était à ses yeux un lieu de perdition. De son côté, l'administration s'en méfiait.
I/ UNE PRÉSENCE DÉMULTIPLIÉE
Dans le monde rural, ces cafés étaient très nombreux ; très souvent, il y en avait plusieurs dans chaque village. On cite même dans le diocèse de Besançon au XVIIIe siècle un cas particulier : le village de Savigny qui en avait 17 ! A l'époque de Louis XIV, on a même pu calculer dans le royaume une moyenne de 1 café pour 250 personnes. Il existait plus de cabaretiers que de prêtres!
En 1769, les douze cabaretiers d'Arinthod se révoltent contre les impôts qui pesaient sur les boissons. Ils décident alors, disons en termes modernes, de « se mettre en grève ». Ils retirent leurs enseignes et refusent en effet de servir à boireb; cela devient, comme nous le dirions aujourd'hui une vraie affaire politique, laquelle remonte jusqu'à Besançon devant le Parlement, où elle est prise très au sérieux. Cette affaire montre combien les cabarets tenaient une place importante dans la société d'alors.
En 1848, le suffrage universel a renforcé le rôle des cafés, qui deviennent un des lieux favoris de la discussion politique masculine. En Arbois, on dénombrait pas moins d'une vingtaine de cabaretiers, cafetiers et aubergistes. A Lons-le-Saunier, selon une enquête du commissaire de police, en 1816, il y avait, 85 « gargotiers, aubergistes, cabaretiers » ; en 1852, on y dénombrait 40 cafés et 50 auberges sans compter les nombreux débits de boisson. Les villages n'étaient pas en reste. Dans le département du Doubs, en 1851, on dénombrait 2 775 cabarets ! Dans ce chiffre, dominent les cabarets ruraux. Cet essor était dénoncé par les tenants de l'ordre comme une cause de la démoralisation publique et d'agitation dangereuse.
II/ L'HOSTILITÉ DES AUTORITÉS
Le curé de Faucogney, en 1845, vitupère contre « ces lieux de débauche », qui « sont malheureusement répandues dans toutes les localités et c'est là que les jeunes gens, les chefs de famille, qui tous commercent sur le bétail, se réunissent et se donnent réciproquement des leçons et des exemples de libertinage, d'irreligion et d'impiété... ». En 1852, le curé de Fresse (Haute Saône) dénonce « l'ivrognerie qui est une des grandes plaies ; le manque de vigilance de la part des pères et mères sur leurs enfants, le manque de police dans les auberges de la part des autorités civiles, pendant les saints offices et pendant la nuit, sont, en grande partie la cause de tous ces désordres. » D'autres encore dénoncent dans le cabaret « une école d'inconduite et d'immoralité ». Un ecclésiastique fait paraître en 1769 « Un traité contre les danses et les chansons ».
Le cabaretier a une telle influence que « La Méthode pour la direction des âmes », un livre qui se voulait le guide pastoral des curés dans leur paroisse, rédigé par un ancien directeur du séminaire, publié à Besançon en 1782, faisait la recommandation suivante : « On doit parler au cabaretier avant que de prêcher contre les désordres qui se commettent chez eux, et cela afin de ne pas les irriter trop facilement et sans fruit ... il n'est pas prudent de suivre la méthode de ceux qui invectivent trop souvent contre les cabarets... » Le conseil donné est clair, le cabaretier est une puissance locale avec laquelle il faut agir avec une extrême prudence !