Arch . dep. du Jura, M 34 p. 459.
Arch . dep. du Jura, M 34 p. 511
Arch. dep. du Jura, M 34.
III/ TOUTES LES OCCASIONS SONT BONNES POUR SE RETROUVER AU CAFÉ.
 
Une rencontre fortuite sur la place oblige entre amis à terminer la discussion autour d'un verre. La sortie de la messe offre une de ces grandes occasions que l'on ne saurait manquer parmi beaucoup d'autres. Les mariages, les enterrements y apportent leurs mouvements et leurs rassemblements plus ou moins bruyants. Un marché ou mieux une foire y sont jours de très grandes affluences, où les affaires se concluent.
A la belle saison quelques tables placées dehors, quelques chaises ou même quelques bancs suffisent, et aussitôt verres et bouteilles apparaissent devant les clients. L'hiver en revanche, on se réfugie dans une salle bien chaude où les tables cirées sont savamment ordonnées. Un jeu de quille y est parfois installé tout à côté, le cafetier en étant le plus souvent le tenancier.
Là se formaient les opinions.
Après les rumeurs, les cancans du jour, on y discutait gravement de politique, surtout lorsque approchait une échéance électorale locale, municipale ou cantonale. Sur ce plan, la proclamation du suffrage universel en 1848 a donné au café un élan nouveau et l'a transformé un peu plus en véritable forum. Les femmes en étaient naturellement exclues parce que d'abord aller au café pour elles « ça ne se fait pas », et puis surtout n'ayant pas le droit de vote, elles se trouvaient de ce fait exclues de la discussion politique. Les blancs et les rouges s'y affrontaient sauf lorsque chaque tendance disposait dans le même village du café accordé à sa propre opinion. En effet, comme il existait des fruitières rouges et blanches, il existait des cafés rouges et blancs.
A Salins, en 1848, l'hôtel du Sauvage avait été autrefois le lieu de rencontre des démocrates. A Arbois, le café Bolifraud était fréquenté par « une foule de rouges pur sang » selon les termes employés par le commissaire de police dans une lettre au préfet en date du 31 octobre 1848 . A Poligny, le sous-préfet, le 1er décembre 1848 signale que « C'est dans le café de Bellaigue, limonadier », où se tiennent « les plus mauvais propos » . Le procureur note encore pour cette ville avec encore plus de précision : «… Ils se réunissent, il y a seulement affiliation et correspondance entre les principaux chefs, ... ils passent ordinairement leurs soirées dans des cafés, où chacun peut entrer, mais qu'on sait leur appartenir presque exclusivement, il est donc fort difficile de saisir un corps de délit... ». L'administration, aux abords des cafés, était donc aux aguets.
Louis Etienne François Bergeret (1814-1893) à Arbois, conseiller général, était le médecin de la famille Pasteur.
Conservateur, hostile « aux rouges » et au mouvement démocratique de 1848, il a eu à souffrir des attaques du parti démocrate jurassien. Ce médecin spécialiste de la lutte contre l’alcoolisme, est connu pour avoir notamment publié un ouvrage intitulé Des fraudes dans l’accomplissement des fonctions génitales (1868), ouvrage qui se veut un guide des étreintes conjugales, et qui tient un discours fort rigoriste sur la sexualité.
Un autre de ses écrits, pour le sujet qui nous intéresse ici, est un petit ouvrage intitulé De l’abus des boissons alcooliques, paru à Lons-le-Saunier en 1851. Il y dénonce l’alcoolisme comme une plaie physique et morale, il exècre « l’alcool qui nourrit les révolutions ». Il incrimine violemment les niveleurs, les rêveurs d’égalité que l’on rencontre dans les cafés, lesquels à son grand désespoir se multiplient : « C’est là que vous entendrez des docteurs de village, des prédicateurs de faubourgs, des orateurs de clubs et de banquet, blasphémer la religion de vos pères et fouler au pied les lois les plus sacrées… c’est sur les tables des cabarets que vous trouverez tous ces mauvais journaux dans lesquels de perfides écrivains soulèvent les esprits contre l’autorité des lois … »  
 
( Extrait de notre Insolite et mystérieuse Franche-Comté, édition des Presses du Belvédère, 2009, p. 134 )
LE CABARET UNE CONTRE EGLISE
Dans la culture populaire le cabaret est un lieu de rencontres et d'échanges. On y boit, on y cause, on joue, on danse... Depuis l'existence du suffrage universel en 1848 on y discute politique entre hommes. Le café est un lieu de convivialité qui était très apprécié, notamment à la campagne. Ce lieu échappait au contrôle du curé, de tout temps, celui-ci a dénoncé ce lieu qui était à ses yeux un lieu de perdition. De son côté, l'administration s'en méfiait.
 
I/ UNE PRÉSENCE DÉMULTIPLIÉE
 
Dans le monde rural, ces cafés étaient très nombreux ; très souvent, il y en avait plusieurs dans chaque village. On cite même dans le diocèse de Besançon au XVIIIe siècle un cas particulier : le village de Savigny qui en avait 17 ! A l'époque de Louis XIV, on a même pu calculer dans le royaume une moyenne de 1 café pour 250 personnes. Il existait plus de cabaretiers que de prêtres!
En 1769, les douze cabaretiers d'Arinthod se révoltent contre les impôts qui pesaient sur les boissons. Ils décident alors, disons en termes modernes, de « se mettre en grève ». Ils retirent leurs enseignes et refusent en effet de servir à boireb; cela devient, comme nous le dirions aujourd'hui une vraie affaire politique, laquelle remonte jusqu'à Besançon devant le Parlement, où elle est prise très au sérieux. Cette affaire montre combien les cabarets tenaient une place importante dans la société d'alors.
En 1848, le suffrage universel a renforcé le rôle des cafés, qui deviennent un des lieux favoris de la discussion politique masculine. En Arbois, on dénombrait pas moins d'une vingtaine de cabaretiers, cafetiers et aubergistes. A Lons-le-Saunier, selon une enquête du commissaire de police, en 1816, il y avait, 85 « gargotiers, aubergistes, cabaretiers » ; en 1852, on y dénombrait 40 cafés et 50 auberges sans compter les nombreux débits de boisson. Les villages n'étaient pas en reste. Dans le département du Doubs, en 1851, on dénombrait 2 775 cabarets ! Dans ce chiffre, dominent les cabarets ruraux. Cet essor était dénoncé par les tenants de l'ordre comme une cause de la démoralisation publique et d'agitation dangereuse.
 
II/ L'HOSTILITÉ DES AUTORITÉS
 
Le curé de Faucogney, en 1845, vitupère contre « ces lieux de débauche »,  qui « sont malheureusement répandues dans toutes les localités et c'est là que les jeunes gens, les chefs de famille, qui tous commercent sur le bétail, se réunissent et se donnent réciproquement des leçons et des exemples de libertinage, d'irreligion et d'impiété... ». En 1852, le curé de Fresse (Haute Saône) dénonce « l'ivrognerie qui est une des grandes plaies ; le manque de vigilance de la part des pères et mères sur leurs enfants, le manque de police dans les auberges de la part des autorités civiles, pendant les saints offices et pendant la nuit, sont, en grande partie la cause de tous ces désordres. » D'autres encore dénoncent dans le cabaret « une école d'inconduite et d'immoralité ». Un ecclésiastique fait paraître en 1769 « Un traité contre les danses et les chansons ».
Le cabaretier a une telle influence que « La Méthode pour la direction des âmes », un livre qui se voulait le guide pastoral des curés dans leur paroisse, rédigé par un ancien directeur du séminaire, publié à Besançon en 1782, faisait la recommandation suivante : « On doit parler au cabaretier avant que de prêcher contre les désordres qui se commettent chez eux, et cela afin de ne pas les irriter trop facilement et sans fruit ... il n'est pas prudent de suivre la méthode de ceux qui invectivent trop souvent contre les cabarets... » Le conseil donné est clair, le cabaretier est une puissance locale avec laquelle il faut agir avec une extrême prudence !
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Michel Vernus
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