Dictionnaires biographiques du Jura et du Doubs
« Le projet de cet ouvrage est né d'un constat : la nécessité de rafraîchir et d'actualiser un des grands classiques de l'historiographie comtoise. Les Hommes célèbres de Franche-Comte d’Émile Fourquet. Certes « Le vieux Fourquet » a rendu de grands services, mais cet ouvrage date de plus d'un demi siècle, puisque l’édition première en est parue en 1929. Or la connaissance historique a beaucoup progressé depuis, par ailleurs la conception de la biographie a elle-même évolué. La recherche prosopographique est d'ailleurs actuellement très justement a la mode dans l’érudition historique.
Le projet mûrissant, nous avons assez vite renoncé à un simple toilettage de l'ouvrage de Fourquet, ce qui était notre idée de départ. La nécessité de bâtir un dictionnaire biographique construit sur des bases assez différentes, s'est très rapidement imposée à nous. Dès lors, l'entreprise, on nous le concédera aisément, devenait beaucoup plus ambitieuse.
Tout d'abord, il nous a paru utile de faire deux volumes. L'un concernant le département du Jura, le premier a paraître, L’autre le département du Doubs qui suivra très rapidement. Notre travail ne couvre ni la Haute-Saône, ni le Territoire de Belfort, car nous nous n'avons pas voulu concurrencer des travaux similaires au notre, travaux qui étaient en cours, au moment où nous nous lancions dans notre propre entreprise. Ensuite nous avons renoncé à une présentation des notices par siècle. Elles se présenteront donc, dans chaque volume, toutes dans l'ordre alphabétique des personnages, présentation qui nous a semblé d'un maniement beaucoup plus aisé et beaucoup plus confortable pour le lecteur ; elle lui permet un accès direct au personnage recherché, sans avoir a passer par l’intermédiaire d'un index, comme cela était le cas dans les Hommes célèbres de Fourquet.
Nous avons cru devoir retenir d'autres critères pour effectuer les choix nécessaires concernant les notices a faire figurer dans un tel ouvrage.
Les personnages retenus par Fourquet dans son ouvrage étaient surtout des écrivains, des artistes et des militaires. Notre volonté a été d’élargir l’éventail des personnalités. Ainsi, iI nous a semblé nécessaire de faire figurer des acteurs économiques (industriels, artisans, paysans), des techniciens, des militants sociaux (animateurs associatifs, syndicalistes... ), des notables locaux (élus, maires, conseiller généraux, curés ... ). Bref, nous ont intéressé ceux qui a un moment donné avaient eu un rôle, tous ceux qui en leur temps ont ont été des acteurs... »
Pierre-Alexandre Lemare (1766-1835)
Lémare, ce haut jurassien du Grandvaux, est un personnage dont la trajectoire biographique révèle une incroyable et époustouflante vitalité. Il offrent une extraordinaire résistance aux échecs, toujours prêts à rebondir et à aller de l’avant.
Comment peut-on être à la fois être curé, grammairien, enseignant, militant politique, inventeur, intrigant et comploteur, et qui plus est médecin... ? Cela peut paraître humainement impossible, et pourtant ce sont les vêtements divers et successifs que notre homme a su endosser tour à tour.
En s'engageant très avant dans le combat révolutionnaire, un temps maître du département du Jura, il ne cède pas à la passion sanguinaire. Il fait preuve à la fois de beaucoup de conviction et de beaucoup d'habileté, échappant aux « purges » de la Contre-Révolution. Il se révèle en toutes circonstances un homme de ressources.
Spécialiste de l’utilisation de la vapeur, il a été l’inventeur de l’autocuiseur, ancêtre de la cocotte minute, et de bien d’autres machines, qui visaient à appliquer la vapeur à des usages domestiques. Il installe une boulangerie industrielle à Paris.
Ennemi de Napoléon, il complote à deux reprises contre lui, échappe à la prison. Quand il est prisonnier, il ne reste pas longtemps entre quatre murs, il s’évade, vit en exil, puis soudain réapparaît.
On le retrouve parcourant l’Europe dans le sillage de la Grande Armée !
Dans les périodes de pause et de retraite, il trouve le moyen de se consacrer à nouveau à l’enseignement. Il est le fondateur d’une école à Paris : l’Athénée de la jeunesse et surtout aux études grammaticales. Sa grammaire sera d’ailleurs rééditée jusqu’en 1884 par Hachette.
Descendant des serfs mainmortables de l’abbaye de Saint-Claude, cet homme a été un amoureux de la liberté. C’est pour cet raison qu’il complote contre Napoléon « le tyran ».
Dans cet vie haletante, l'érudit qu’il est a su trouver les moyens de se consacrer à l'étude des mots. En effet, la passion de la liberté, chez lui, est concurrencée par cette autre passion dominante: l’étude des mots et du langage.
A suivre à la trace une vie aussi riche, on ne perd pas son temps. Car à travers cette vie plongée dans son siècle, ce sont les multiples facettes d’une époque qui ne manque pas de changements et qui développe sous vos yeux toute son agitation fiévreuse.
UNE VIE DANS L’UNIVERS DU LIVRE FRANÇOIS-XAVIER LAIRE (1738-1801)
François-Xavier Laire, savant bibliographe d'origine comtoise, a été à la pointe de l'érudition bibliographique. Fils de paysan, il accède à l’érudition par la voie ecclésiastique. Les études qui lui ont été consacrées sont fort rares et anciennes.
Laire, religieux minime, a été bibliographe à la manière du XVIIIe siècle, c'est à dire que son activité intellectuelle couvre tout le champ de la connaissance du livre : historien de l'imprimerie, théoricien de « l'arrangement des bibliothèques » et créateur de bibliothèques, bibliographe au sens précis d'aujourd'hui, bibliophile. Il a été de surcroît archiviste, amateur des Beaux-Arts, numismate, archéologue et accessoirement féru en histoire naturelle. Il se situe à la jonction du monde bibliographique finissant de l'Ancien Régime et du nouveau monde du livre né de la Révolution. Laire participe directement à la tentative de réorganisation des bibliothèques dans le sillage de l'abbé Grégoire. Son activité intellectuelle couvre tout le champ de la connaissance concernant le livre, ce que nous désignons aujourd'hui sous le nom de bibliologie.
Autre source d'intérêt, il est à la jonction de la haute érudition et de l'érudition provinciale bien qu’éloigné de sa région d'origine, il reste en contact épistolaire avec les érudits comtois du milieu académique ses anciens compagnons.
Un premier voyage en Italie (1774-1778) grâce au contact de l'érudition italienne lui permet d’accéder à la notoriété savante. De Rome, il circule dans la péninsule : Naples, Venise... rencontre les libraires et surtout les bibliothécaires des grandes bibliothèques de la péninsule ; bibliothécaire du Pape Pie VI, il travaille à la Vaticane.
A son retour d’Italie, il passe au service de Loménie de Brienne (1786-1792) pour lequel il organise la grande bibliothèque (plus de 100 000 volumes) du futur cardinal. Ayant perdu son maître en raison de la Révolution, il devient à Sens, puis à Auxerre bibliothécaire au service de la nation (1791-1801). Parmi ses multiples tâches, il rédige alors un manuel de bibliographie, qui a pour origine un cours donné à partir de 1798 à l’Ecole centrale. Ce manuel était destiné à être imprimé, mais une mort brutale (mars 1801) lui interdit l'achèvement de cet ouvrage. Ce cours dont nous reproduisons l’essentiel donne une bonne photographie des connaissances de l’époque. Gabriel Peignot (1767-1849), comtois lui aussi, a eu très vraisemblablement connaissance de ce manuscrit, s'en est inspiré pour la composition de son ouvrage Manuel bibliographique ou essai sur les bibliothèques anciennes et modernes et sur la connaissance des livres.
De quelques biographies particulières
1/ Diderot, présentation : l'homme et l'œuvre, coll. des idées et des hommes, p. 13 à 68, et présentation de la Religieuse et du conte Madame de la Carlière, Martinsart, Paris, 1987.
2/ Un libraire jurassien à la fin de l'Ancien Régime : Jean-Claude Considerant (1782), Soc. d'Emul. du Jura, 1980.
3/ François-Xavier Laire, érudit bibliographe (1738-1801), Académie de Besançon, 1997.
4/ Les Pensées sur les plus importantes vérités chrétiennes de Pierre Humbert, missionnaire de Beaupré, Colloque de Nancy, Les pratiques de piété, 1998, Annales de l’est, n°1, 2000, p.133-145.
5/ Max Buchon ou la littérature en sabots, présentation de l’homme et de l’œuvre en préface, édition du Belvédère, septembre 2004, p.9-53.
6/ André Oudet (1942-1999), « Peintre comtois : du terroir à l’universel », in brochure De l’exposition d’Arbois, novembre 2011.